DEBORDIANA

CORRESPONDANCE
1968

 

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Internationale situationniste à Jean Maitron

Pascal Dumontier, Les Situationnistes et Mai 68
Théorie et pratique de la révolution. 1966-1972
. Éditions Gérard Lebovici, Paris, mai 1990

Internationale situationniste
B.P. 307 03 Paris

à M. Jean Maitron
Directeur de l’Institut Français d’Histoire Sociale
et de sa revue Le Mouvement social
87, rue Vieille-du-Temple, Paris

Paris, le 24 octobre 1968

MONSIEUR,

La livraison n° 64 du Mouvement Social — numéro spécial « La Sorbonne par elle-même » — présente, à regarder seulement la rubrique «  Internationale situationniste » de l’index, un certain nombre d’erreurs et falsifications qui sont inacceptables dans une revue prétendant à une certaine rigueur scientifique, et financièrement soutenue comme telle.

Il est faux que les situationnistes aient « seuls, assumé la direction du 13 au 14 mai au soir » du premier Comité d’Occupation de la Sorbonne, pour la simple raison que le Comité d’Occupation n’existait pas encore à cette date.

Il est aussi faux, et de plus ridicule, de prétendre que les situationnistes auraient contrôlé « le restaurant et la cuisine de la Sorbonne », et ceci « jusqu’en juin ».

Il est encore plus scandaleux de présenter, page 165, un « tract anonyme », dont vous prétendez malhonnêtement qu’il « exprime assez bien le point de vue des situationnistes ». Vous démontrez à ce seul propos votre inintelligence du mouvement des occupations en général (après l’avoir étalée à propos de l’ensemble du mouvement ouvrier, et notamment à propos de votre pâtée coutumière, l’Anarchie). Il est encore plus grave, pour de prétendus « scientifiques », de ramasser leurs falsifications dans la revue de M. Maspero, Partisans. En effet, à la page 103 du n° 42 de cette revue, un fragment d’un tract du « Conseil pour le maintien des occupations » a été frauduleusement publié amputé de toute sa première partie ; laquelle a été cyniquement remplacée par l’imbécile déclaration que vous avez imprudemment ramassée dans cette poubelle, pour nous l’attribuer.

Nous ne sommes pas déçus par vos méthodes d’historien, ni par votre acuité intellectuelle ; mais surpris par votre témérité.

En effet, vous croyez pouvoir vous permettre de maspériser, tout autant que le staliniste Maspero lui-même. Ce qui ne peut étonner de la part d’un personnage aussi discrédité que le « partisan » Maspero, dans une publication qui prétend comme la vötre à l’objectivité historique, ne peut passer impunément.

Il est particulièrement intolérable que vous puissiez reprendre, pages 122-123, notre Rapport sur l’occupation de la Sorbonne (sans aucun signe indiquant des coupures) alors que la moitié s’en trouve censurée pour des fins politiques évidentes (cf. pièce jointe).

Nous exigeons de vous, dans les plus courts délais, des excuses écrites et l’assurance que le prochain numéro du Mouvement Social reproduira notre présente lettre, et rétablira le texte Rapport sur l’occupation de la Sorbonne dans son intégralité.

Ne doutez pas, Monsieur, que la conscience de classe de notre époque a fait suffisamment de progrès pour savoir demander des comptes par ses propres moyens aux pseudo-spécialistes de son histoire, qui prétendent continuer à subsister de sa pratique.

Pour l’Internationale situationniste :
GUY DEBORD, MUSTAPHA KHAYATI, RENÉ RIESEL,
CHRISTIAN SÉBASTIANI, RAOUL VANEIGEM, RENÉ VIÉNET


On lira aussi :

 L’historien Maitron (Internationale situationniste n° 12, septembre 1969)


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27 décembre 2000

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