DEBORDIANA

CORRESPONDANCE
1978

 

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Guy Debord et Gérard Lebovici à Editorial Castellote

[Éditions Champ Libre, Correspondance. Volume I
Éditions Champ Libre, Paris, octobre 1978]

Le 5 janvier 1978

CASTELLOTE !

Il faut vraiment que tu sois une bonne ordure pour oser nous répondre quelque chose d’aussi stupide que ta lettre du 5 décembre, après les justes reproches que nous t’avons faits.

Si c’est pour la première fois dans ta « longue carrière professionnelle » que ce malheur t’arrive, il faut bien que cette « longue carrière professionnelle » se soit déroulée sous le franquisme. C’est fini. On ne cherche pas à savoir si tu es plus menteur que ton traducteur, ou l’inverse : ce n’est certainement pas par hasard que vous travaillez ensemble.

Les contradictions de ta lettre — que nous publierons — suffiraient à te juger, même aux yeux d’un enfant élevé sous le franquisme.

Tu savais bien, ordure, que des Argentins avaient traduit La Société du Spectacle, puisque c’était mentionné dans le tirage de 1974 à Champ Libre, et que ton contrat avec Champ Libre date du 5 juillet 1976. Ces Argentins étaient éditeurs-pirates, sans se prévaloir, comme toi, d’un droit exclusif qu’ils n’avaient pas ; tu n’es donc pas mieux qu’eux, mais pire, puisque tu n’as pas fait une traduction plus exacte que la leur : une troisième traduction meilleure fera autorité en Espagne.

Et parce que tu savais que d’autres pirates avaient publié ce livre, et parce qu’en même temps tu l’ignorais, tu prétends donc que tu étais affranchi de l’obligation « légaliste et rigoriste » de faire vérifier la traduction par l’auteur.

Fume !

On te renvoie tes deux mille francs. Ta mère.

GUY DEBORD, GÉRARD LEBOVICI

*

Traduction espagnole de Maldeojo

¡CASTELLOTE!

Tienes que ser verdaderamente una basura para atreverte a respondernos algo tan estúpido como tu carta del 5 de diciembre, después de los justos reproches que te hemos hecho.

Si es la primera vez en tu “larga carrera profesional” que te sucede esta desgracia, es preciso que esta “larga carrera profesional” se haya desarrollado bajo el franquismo. Se acabó. No queremos saber si eres tú más mentiroso que tu traductor, o a la inversa: no es ciertamente por azar que trabajáis juntos.

Las contradicciones de tu carta — que nosotros publicaremos — bastarían para juzgarte, incluso a los ojos de un niño pequeño bajo el franquismo.

Tú sabías perfectamente, basura, que los argentinos habían traducido La sociedad del espectáculo, puesto que se mencionaba en la edición de 1974 de Champ Libre, y que tu contrato con Champ Libre data del 5 de julio de 1976. Estos argentinos eran editores piratas, sin prevalerse, como tú, de un derecho exclusivo que no tenían; tu no eres entonces mejor que ellos, sino peor, puesto que no has hecho una traducción más exacta que la suya: una tercera edición mejor será autorizada en España.

Y puesto que sabías que otros piratas habían publicado este libro, y puesto que al mismo tiempo lo ignoras, pretendes entonces estar libre de la obligación “legalista y rigorista” de verificar la traducción con el autor.

¡Humo!

Se te reenvían tus dos mil francos. Tu madre.

GUY DEBORD, GÉRARD LEBOVICI

 

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Editorial Castellote à Guy Debord

[Éditions Champ Libre, Correspondance. Volume I
Éditions Champ Libre, Paris, octobre 1978]

Traduction

Madrid, le 20 janvier 1978

DEBORD !

Il faut vraiment que tu sois un crétin intégral ou un dément pour écrire une lettre aussi incongrue et aussi remplie de sottises que la tienne du 5 janvier 1978. Je ne chercherai pas à savoir si tu es l’un ou l’autre. Ne vois-tu pas, espèce d’âne bâté, que tu ne mentionnes nulle part dans ta lettre nous avoir exposé auparavant, et d’une manière explicite, la nécessité d’être en concurrence avec une autre édition espagnole ; il ne suffit pas que vous l’ayez mentionné, non au moment de conclure le contrat, ce qui aurait été correct, mais dans un de vos tirages (et parce que nous ne pouvions pas savoir, en raison de cette seule mention, que le marché de langue espagnole était inondé de livres d’une autre édition). Mais on voit que pour toi, petit bourgeois élevé à l’ombre du gaullisme, le fait d’abandonner une maison d’édition avec une édition refusée sur les bras comme tu l’as fait pour nous, n’a qu’une importance secondaire au regard de celle que tu attaches à ton sens raffiné du vedettariat.

Tu sais très bien, espèce de cochon, que la seule chose grave dans cette affaire est ton incroyable manque d’égards et ton comportement hystérique de petit intellectuel à la gomme. Tu saisis n’importe quelle planche de salut pour justifier l’injustifiable. Tu ne réponds pas raisonnablement à l’argument sincère et fondamental de ma lettre. Ne te donne donc pas la peine de répondre à nouveau en ruant comme un âne que tu es et qui fut en son temps intelligent, car ta lettre, sans avoir été ouverte, ira directement aux cabinets, le seul endroit qui lui convienne.

Publié également cette lettre et tes fioritures, il me semble bon que les gens sachent comment tu te comportes !

Meurs en cuisant dans ton jus d’élucubrations pseudo-intellectuelles.

JESUS CASTELLOTE

*

Texte original

¡DEBORD!

Es necesario, para escribir una carta tan incongruente y tan llena de disparates, como la tuya del 5 de enero de 1978, que seas un cretino integral o un demente. No me interesa demasiado aclarar cual de estos dos es tu problema. ¿No ves, pedazo de acémila, que en ningún punto de tu carta mencionas habernos expuestos con anterioridad y de una manera explícita la necesidad de competir con otra edición en castellano?, no es suficiente que lo hubieseís mencionado, no al hacer el contrato como es lo correcto, sino en una tirada vuestra (y pues nosotros no podíamos saber por esa sola mención que el mercado en habla castellana se encontraba inundado por otra edición). Pero se ve que para ti, pequeño burgués criado a la sombra del gaullismo, el dejar abandonada a una Editorial con una edición colgada como has hecho con nosotros, es cosa de poca monta ante la importancia que concedes a tu refinado divismo.

Tu sabes muy bien, gran cerdo, que lo único grave en este asunto es tu tremenda desconsideración y tu histérico comportamiento de intelectualillo de tres al cuarto. Te agarras a un clavo ardiendo para justificar lo injustificable. No contestas razonablemente al argumento sincero y fundamental de mi carta. Así que no te molestes en contestar de nuevo coceando, como un asno que en sus tiempos tuvo orejas, pues tu carta irá sin abrir al retrete, que es el sitio que le corresponde.

¡Publica también esta carta y tus florituras, me parece muy bien que la gente conozca lo que das de sí!

Muérete, cociéndote en tu propia salsa de elucubraciones pseudointelectuales.

JESÚS CASTELLOTE

 

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Champ Libre à Enzo Nizza, Éditions La Pietra

[Éditions Champ Libre, Correspondance. Volume II
Éditions Champ Libre, Paris, novembre 1981]

Le 6 décembre 1978

MONSIEUR,

Nos amis en Italie nous apprennent qu’un bruit court, selon lequel vos Éditions nourriraient l’intention de publier une traduction italienne de la revue Internationale Situationniste. Nous espérons que ce projet n’a été envisagé que par un de vos employés, dangereusement irresponsable ; et que vous-même n’y avez jamais pensé sérieusement ; et qu’en tout cas vous n’y penserez plus du tout désormais.

En effet, les Éditions Champ Libre possèdent, depuis 1975, les droits de la réédition complète de cette revue ; et nous ne les cèderons en aucun cas à un éditeur qui, comme vous, a été et reste proche du stalinisme.

Par ailleurs, quoique cette revue, quand elle paraissait, ait laissé à quiconque le voulait, dans ce temps-là, la liberté de reproduire chacun de ses articles, il ne saurait être question qu’un rassemblement de la totalité de ses textes, ainsi que le nom de son directeur, Guy Debord, se trouvent publiés par une maison d’édition méprisable. Debord ne veut pas d’un éditeur comme vous.

M. Feltrinelli, plus célèbre que vous dans la même ligne, demandait en 1971 de publier une traduction de la même revue, et cela lui a été refusé pour les mêmes raisons. Il a insisté assez lourdement ; et finalement il n’a pas pu.

Ne croyez pas que votre publication récente d’un petit livre maspérisé de ses documents, que M. Viénet a signé en 1968, vous ait donné la possibilité de feindre d’être en relation avec des gens plus sérieux. Libre à M. Viénet de participer à des colloques avec les staliniens que vous réunissez chez vous : ce clown, depuis des années, est ici méprisé de tout le monde. Mais votre effort de récupération devra se limiter à cette marchandise défraîchie.

Nous souhaitons que vous preniez bonne note de l’inanité d’un projet auquel nous nous opposons, et nous opposerons, de la manière la plus ferme.

GÉRARD LEBOVICI

P.J. : Pages 110 et 111 d’un livre que les Éditions Champ Libre ont publié en 1972.

 

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Enzo Nizza (Editions La Pietra) à Gérard Lebovici

[Éditions Champ Libre, Correspondance. Volume II
Éditions Champ Libre, Paris, novembre 1981]

Traduction

Milan, le 19 décembre 1978

CHER MONSIEUR,

J’ai reçu votre lettre du 6 décembre.

Je suis surpris qu’une maison d’édition aussi sérieuse, et en général bien informée, que l’est la vôtre, ne sache pas qu’une édition en italien d’Internationale Situationniste se trouve déjà, çà et là, depuis plus d’un an, dans les meilleures librairies italiennes. Évidemment, la diffusion en est semi-clandestine, parce que notre gouvernement ne permettrait pas la libre circulation d’un livre aussi dangereusement révolutionnaire. Je vous en envoie un exemplaire sous pli séparé, et j’espère seulement qu’il ne sera pas saisi à la frontière. Et comment va la diffusion en France ? Je suppose que, vu la crise économique actuelle, vos profits ont eux-mêmes quelque peu diminué. Mais cela passera…

ENZO NIZZA

*

Texte original

EGREGIO SIGNORE,

Ho ricevuto la sua lettera del 6 dicembre.

Sono meravigliato che una casa editrice così seria e generalmente bene informata come la sua non sappia che un’edizione in lingua italiana di Internationale Situationniste circola da oltre un anno nelle migliori librerie italiane. Naturalmente la diffusione è semiclandestina, perché il nostro governo non permetterebbe la libera circolazione di un libro così pericolosamente rivoluzionario. Ne spedisco una copia a parte e spero solo che non venga bloccata alla frontiera. Come va la diffusione in Francia ? Penso che, con la crisi economica in corso, anche i vostri profitti siano alquanto diminuiti. Ma passerà…

ENZO NIZZA

 

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BIBLIOGRAPHIE 1952-19571957-19721972-1994