DEBORDIANA

Internationale lettriste
Numéro 1
[Paris, décembre 1952]

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1
Finis les pieds plats

CINÉASTE sous-Mack Sennett, acteur sous-Max Linder, Stavisky des larmes des filles-mères abandonnées et des petits orphelins d’Auteuil, vous êtes Chaplin, l’escroc aux sentiments, le maître-chanteur de la souffrance.

Il fallait au Cinématographe ses Delly. Vous lui avez donné vos œuvres et vos bonnes œuvres.

Parce que vous disiez être le faible et l’opprimé, s’attaquer à vous c’était attaquer le faible et l’opprimé, mais derrière votre baguette de jonc, certains sentaient déjà la matraque du flic.

Vous êtes « celui-qui-tend-l’autre-joue-et-l’autre-fesse » mais nous qui sommes jeunes et beaux, répondons Révolution lorsqu’on nous dit souffrance.

Max du Veuzit aux pieds plats, nous ne croyons pas aux « persécutions absurdes » dont vous seriez victime. En français Service d’Immigration se dit Agence de Publicité. Une conférence de Presse comme celle que vous avez tenue à Cherbourg pourrait lancer n’importe quel navet. Ne craignez donc rien pour le succès de Limelight.

Allez vous coucher, fasciste larvé, gagnez beaucoup d’argent, soyez mondain (très réussi votre plat-ventre devant la petite Elisabeth), mourrez vite, nous vous ferons des obsèques de première classe.

Que votre dernier film soit vraiment le dernier.

Les feux de la rampe ont fait fondre le fard du soi-disant mime génial et l’on ne voit plus qu’un vieillard sinistre et intéressé.

Go home Mister Chaplin.

L’Internationale lettriste :
SERGE BERNA, JEAN-LBRAU,
GUY-ERNEST DEBORD, GIL J WOLMAN

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2
Les lettristes désavouent les insulteurs de Chaplin

LES MEMBRES du mouvement lettriste se sont réunis sur la base de nouveaux principes de connaissance et chacun garde son indépendance quant aux détails d’application de ces principes. Nous savons tous que Chaplin a été « un grand créateur dans l’histoire du cinéma » mais « l’hystérie totale » et baroque qui a entouré son arrivée en France nous a gênés, comme l’expression de tout déséquilibre. Nous sommes honteux que le monde manque aujourd’hui de valeurs plus profondes que celles, secondaires, « idolâtres » de l’« artiste ». Les lettristes signataires du tract contre Chaplin sont, seuls, responsables du contenu outrancier et confus de leur manifeste. Comme rien n’a été résolu dans ce monde, Charlot reçoit, avec les applaudissements, les éclaboussures de cette non-résolution.

Nous, les lettristes qui, dès le début, étions opposés au tract de nos camarades, sourions devant l’expression maladroite que prend l’amertume de leur jeunesse.

Si Charlot devait recevoir de la boue, ce n’était pas à nous de la lui jeter. Il y en a d’autres, payés pour cela (l’attorney général par exemple).

Nous nous désolidarisons donc du tract de nos amis et nous nous associons à l’hommage rendu à Chaplin par toute la populace.

D’autres groupes lettristes s’expliqueront à leur tour sur cette affaire, dans leurs propres revues ou dans la presse.

Mais Charlot et tout cela ne forment qu’une simple nuance.

JEAN-ISIDORE ISOU, MAURICE LEMAÎTRE, GABRIEL POMERAND

Publié dans Combat le 1-11-52.

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Mort d’un commis voyageur

AU COURS de la tournée de conférences qu’il fit en Europe pour placer Limelight M. Chaplin a été insulté par nous à l’hôtel Ritz, et dénoncé en tant que commerçant et policier.

Le vieillissement de cet homme, son indécente obstination à étaler sur nos écrans sa gueule périmée, et la pauvre affection de ce monde pauvre qui se reconnaissait en lui, me semblent des raisons bien suffisantes pour cette interruption.

Cependant Jean-Isidore Isou, effrayé par les réactions des admirateurs de Chaplin — sauf les lettristes, tous les Français étaient admirateurs de Chaplin — publia un désaveu en termes inacceptables.

Nous étions alors à l’étranger. À notre retour, les explications qu’il nous en donna, et ses efforts maladroits pour minimiser toute l’affaire, ne nous parurent pas recevables et dans les jours qui suivirent nous devions l’avertir qu’une action commune serait désormais impossible.

Nous nous passionnons si peu pour les littérateurs et leurs tactiques que l’incident est presque oublié ; que c’est vraiment comme si Jean-Isidore Isou ne nous avait rien été ; comme s’il n’y avait jamais eu ses mensonges et son reniement.

GUY-ERNEST DEBORD

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3
Position de l’Internationale lettriste

Texte refusé par le journal Combat le 2 novembre 1952
en infraction avec les termes de l’article 13 de la loi du 29-7-1881.

À LA SUITE de notre intervention à la conférence de Presse tenue au Ritz par Chaplin, et de la reproduction partielle dans les journaux du tract intitulé « Finis les pieds plats », qui se révoltait contre le culte que l’on rend communément à cet auteur, Jean-Isidore Isou et deux de ses suiveurs blanchis sous le harnais ont publié dans Combat une note désapprouvant notre action, en cette circonstance précise.

Nous avons apprécié en son temps l’importance de l’œuvre de Chaplin, mais nous savons qu’aujourd’hui la nouveauté est ailleurs et « les vérités qui n’amusent plus deviennent des mensonges » (Isou).

Nous croyons que l’exercice le plus urgent de la liberté est la destruction des idoles, surtout quand elles se recommandent de la liberté.

Le ton de provocation de notre tract réagissait contre l’enthousiasme unanime et servile. La distance que certains lettristes, et Isou lui-même, ont été amenés à prendre à ce propos ne trahit que l’incompréhension toujours recommencée entre les extrémistes et ceux qui ne le sont plus ; entre nous et ceux qui ont renoncé à l’« amertume de leur jeunesse » pour « sourire » avec les gloires établies ; entre les plus de vingt ans et les moins de trente ans.

Nous revendiquons seuls la responsabilité d’un texte que nous avons signé seuls. Nous n’avons, nous, à désavouer personne.

Les indignations diverses nous indiffèrent. Il n’y a pas de degrés parmi les réactionnaires.

Nous les abandonnons à toute cette foule anonyme et choquée.

SERGE BERNA, JEAN-LBRAU,
GUY-ERNEST DEBORD, GIL J WOLMAN

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4
Lettre ouverte à Jean-Isidore Isou

Bruxelles, le 3-11-52

NOTRE MANIFESTATION n’a eu de confuse que votre attitude ridiculement pragmatique.

Allié à vous, comme vous le dites, sur la base de nouveaux principes de connaissances, je déplore la mesquinerie et la puérile lâcheté qui vous caractérise.

La nullité de votre personnage social était compensée par l’Œuvre, mais votre route discrète vers un mysticisme initiatique et l’imbécillité profonde de certains de vos disciples a une odeur nauséabonde qui m’écœure.

Si vous portez encore en vous un message, je saurais l’entendre. Car votre présence n’est pas nécessaire…

Ainsi veuillez me rayer du nombre de vos amis.

Sentiments choisis.

JEAN-LBRAU

P.S. — Dans votre lettre à Combat, vous dites avoir été « dès le début opposé à notre acte ». Que signifient alors vos félicitations orales une heure à peine après le lancer de tracts ?

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Internationale lettriste
Numéro 2
[Paris, février 1953]

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Manifeste

LA PROVOCATION LETTRISTE sert toujours à passer le temps. La pensée révolutionnaire n’est pas ailleurs. Nous poursuivons notre petit tapage dans l’au-delà restreint de la littérature, et faute de mieux. C’est naturellement pour nous manifester que nous écrivons des manifestes. La désinvolture est une bien belle chose. Mais nos désirs étaient périssables et décevants. La jeunesse est systématique, comme on dit. Les semaines se propagent en ligne droite. Nos rencontres sont au hasard et nos contacts précaires s’égarent derrière la défense fragile des mots. La Terre tourne comme si de rien n’était. Pour tout dire, la condition humaine ne nous plaît pas. Nous avons congédié Isou qui croyait à l’utilité de laisser des traces. Tout ce qui maintient quelque chose contribue au travail de la police. Car nous savons que toutes les idées ou les conduites qui existent déjà sont insuffisantes. La société actuelle se divise donc seulement en lettristes et en indicateurs, dont André Breton est le plus notoire. Il n’y a pas de nihilistes, il n’y a que des impuissants. Presque tout nous est interdit. Le détournement de mineures et l’usage des stupéfiants sont poursuivis comme, plus généralement, tous nos gestes pour dépasser le vide. Plusieurs de nos camarades sont en prison pour vol. Nous nous élevons contre les peines infligées à des personnes qui ont pris conscience qu’il ne fallait absolument pas travailler. Nous refusons la discussion. Les rapports humains doivent avoir la passion pour fondement, sinon la terreur.

SARAH ABOUAF, SERGE BERNA, P.-JBERLÉ, JEAN-LBRAU,
LEIBÉ, MIDHOU DAHOU, GUY-ERNEST DEBORD, LINDA,
FRANÇOISE LEJARE, JEAN-MICHEL MENSION, ÉLIANE PAPAÏ, GIL J WOLMAN

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Notice pour la Fédération française des Ciné-clubs
Éclaircissements sur le film « Hurlements en faveur de Sade »

LE SPECTACLE EST permanent. L’importance de l’esthétique fait encore, après boire, un assez beau sujet de plaisanteries. Nous sommes sortis du cinéma. Le scandale n’est que trop légitime. Jamais je ne donnerai d’explications. Maintenant tu es toute seule avec nos secrets. À L’ORIGINE D’UNE BEAUTÉ NOUVELLE et plus tard dans le grand désert liquide et borné de l’allée des Cygnes (tous les arts sont des jeux médiocres et qui ne changent rien) son visage était découvert pour la première fois de cette enfance qu’elle appelait sa vie. Les conditions spécifiques du cinéma permettaient d’interrompre l’anecdote par des masses de silence vide. Tous les parfums de l’Arabie. L’Aube de Villennes. À L’ORIGINE D’UNE BEAUTÉ NOUVELLE. Mais il n’en sera plus question. Tout cela n’était pas vraiment intéressant. Il s’agit de se perdre.

GUY-ERNEST DEBORD

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Liberté PROVISOIRE

BIEN SÛR la nuit tu rêves si tu pouvais toujours dormir mais la vie menace à chaque angle il y a des flics et des indics dans les bistros les filles de ton âge sont marquées par la jeunesse.

GIL J WOLMAN

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Extraits de la presse à propos de l’affaire Chaplin

« Les feux de la rampe ont fait fondre le fard du soi-disant mime génial et l’on ne voit plus qu’un vieillard sinistre et intéressé. » — Finis les pieds plats, 29/10/52. Tract lancé par l’Internationale lettriste à la réception de Chaplin à Paris.

« Les lettristes signataires du tract contre Chaplin sont seuls responsables du contenu outrancier et confus. » — JEAN-ISIDORE ISOU, Combat, 1/11/52.

« Nous croyons que l’exercice le plus urgent de la liberté est la destruction des idoles, surtout quand elles se recommandent de la liberté… Les indignations diverses nous indiffèrent. Il n’y a pas de degrés parmi les réactionnaires. Nous les abandonnons à toute cette foule anonyme et choquée. » — Position de l’Internationale lettriste (Combat, 2/11/52).

« Nous nous passionnons si peu pour les littérateurs et leurs tactiques que l’incident est presque oublié ; que c’est vraiment comme si Jean-Isidore Isou ne nous avait rien été… » — GUY-ERNEST DEBORD, Mort d’un commis-voyageur (Internationale lettriste n° 1).

« “Charlot” emporte la médaille d’or du cent cinquantenaire de la Préfecture de Police que lui a décerné hier après-midi M. Jean Baylot, ainsi qu’un baton blanc-breloque qu’il a suspendu à sa boutonnière. » — Charlie Chaplin quitte Paris (France-Soir, 10/11/52).

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Grève générale

IL N’Y A aucun rapport entre moi et les autres. Le monde commence le 24 septembre 1934. J’ai dix-huit ans, le bel âge des maisons de correction et le sadisme a enfin remplacé Dieu. La beauté de l’homme est dans sa destruction. Je suis un rêve qui aimerait son rêveur. Tout acte est lâcheté parce que justification. Je n’ai jamais rien fait. Le néant perpétuellement cherché, ce n’est que notre vie. Descartes a autant de valeur qu’un jardinier. Il n’y a qu’un mouvement possible : que je sois la peste et décerne les bubons. Tous les moyens sont bons pour s’oublier : suicide, peine de mort, drogue, alcoolisme, folie. Mais il faudrait aussi abolir les porteurs d’uniforme, les filles de plus de quinze ans encore vierges, les êtres réputés sains et leurs prisons. Si nous sommes quelques uns prêts à tout risquer, c’est parce que nous savons maintenant que l’on n’a jamais rien à risquer et à perdre. Aimer ou ne pas aimer tel ou telle, c’est exactement la même chose.

JEAN-MICHEL MENSION

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Fragments de recherches pour un comportement prochain

LA NOUVELLE GÉNÉRATION ne laissera plus rien au hasard.

GIL J WOLMAN

De toutes façons on n’en sortira pas vivants.

JEAN-MICHEL MENSION

L’Internationale lettriste veut la mort, légèrement différée, des arts.

SERGE BERNA

Délibérément au-delà du jeu limité des formes, la beauté nouvelle sera de situation.

GUY-ERNEST DEBORD

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Internationale lettriste
Numéro 3
Directeur-Gérant : Bull-Dog Brau, Rédacteur en chef : Guy-Ernest Debord
Paris, août 1953

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Il faut recommencer la guerre en Espagne

VOILÀ DÉJÀ quinze ans que Franco s’accroche au pouvoir, salit cette part de notre avenir que nous avons laissé perdre avec l’Espagne. Les églises que nos amis ont brûlé dans ce pays sont reconstruites, et les bagnes refermés sur les meilleurs de nous. Le Moyen-Âge commence à la frontière, et notre silence l’affermit.

Il faut cesser d’envisager cette situation d’une manière sentimentale, ne plus laisser les intellectuels de gauche s’en amuser. C’est uniquement une question de force.

Nous demandons aux partis révolutionnaires prolétariens d’organiser une intervention armée pour soutenir la nouvelle révolution dont on a vu récemment les podromes à Barcelone, révolution qui devra cette fois ne pas être détournée de ses fins.

Pour l’Internationale lettriste :
P.-JBERLÉ, BULL-DBRAU, HADJ MOHAMED DAHOU, GUY-ERNEST DEBORD,
GAËTAN M. LANGLAIS, JEAN-MICHEL MENSION, GIL J WOLMAN

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Pour en finir avec le confort nihiliste

NOUS SAVONS QUE toutes les réalités nouvelles sont elles-mêmes provisoires, et toujours trop peu pour nous suffire. Nous les défendons parce que nous ne nous connaissons rien de mieux à faire ; et parce que c’est, en somme, notre métier.

Mais l’indifférence ne nous est pas permise devant les étouffantes valeurs du présent ; quand elles sont garanties par une Société de prisons, et quand nous vivons devant les portes des prisons.

Nous ne voulons à aucun prix participer, accepter de nous taire, accepter.

Ne serait-ce que par orgueil, il nous déplaît de ressembler à trop de gens.

Le vin rouge et la négation dans les cafés, les vérités premières du désespoir ne seront pas l’aboutissement de ces vies si difficiles à défendre contre les pièges du silence, les cent manières de SE RANGER.

Au-delà de ce manque toujours ressenti, au-delà de l’inévitable et inexcusable déperdition de tout ce que nous avons aimé, le jeu se joue encore, nous sommes. Toute forme de propagande sera donc bonne.

Nous avons à promouvoir une insurrection qui nous concerne, à la mesure de nos revendications.

Nous avons à témoigner d’une certaine idée du bonheur même si nous l’avons connue perdante, idée sur laquelle tout programme révolutionnaire devra d’abord s’aligner.

GUY-ERNEST DEBORD

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Totem et tabou

PRÉSENTÉ LE 11 février 1952 et immédiatement interdit par la Censure pour des motifs demeurés vagues, le premier film de Gil J Wolman « L’ANTICONCEPT » n’a pu être revu, depuis, même en exploitation non commerciale.

Ce film qui marque un tournant décisif du Cinéma est défendu au public par une Commission composée de pères de familles et de colonels de gendarmerie.

Quand on ajoute à l’aveuglement professionnel du critique les pouvoirs du flic, les imbéciles interdisent ce qu’ils ne comprennent pas.

« L’ANTICONCEPT » est en réalité plus chargé d’explosifs pour l’intelligence que l’ennuyeux camion du « SALAIRE DE CLOUZOT » ; plus offensif aujourd’hui que les images d’Eisenstein dont on a eu si longtemps peur en Europe.

Mais le côté le plus ouvertement menaçant d’une telle œuvre est de contester absolument les critères et les périssables convenances de ces pères de familles et de ces colonels de gendarmerie ; de rester, à l’origine des troubles qui viendront, quand les censeurs fantoches seront oubliés.

GUY-ERNEST DEBORD

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LE SCANDALE n’est pas qu’on se tue, c’est qu’on nous fasse vivre comme ça.

JEAN-MICHEL MENSION

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Manifeste du Groupe Algérien de l’Internationale Lettriste

NUL NE MEURT de faim, ni de soif, ni de vie. On ne meurt que de renoncement.

La société moderne est une société de flics. Nous sommes révolutionnaires parce que la police est la force suprême de cette société. Nous ne sommes pas pour une autre société parce que la police est la forme suprême de toute société. Nous ne sommes pas nihilistes parce que nous n’accordons aucun pouvoir au rien.

Nous sommes lettristes en attendant parce que, faute de mieux. Nous avons pris conscience du caractère éminemment régressif de tout travail salarié. La non-résolution de problèmes complexes détermine une période d’attente dans laquelle tout acte pragmatique constitue une lâcheté car la vie doit être asymptotique et bénévolente.

Nous sommes au demeurant des génies, sachez-le une fois pour toutes.

Alger, avril 1953
H
ADJ MOHAMED DAHOU, CHEIK BEN DHINE, AIT DIAFER

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Allez-y voir vous-mêmes

APRÈS L’Anticoncept (Wolman), Hurlements en faveur de Sade (G.-E. Debord) et La Barque de la vie courante (Brau), l’Internationale lettriste tourne actuellement quatre nouveaux films :

FAUT M’AVOIR CE MEC et ORAISON FUNÈBRE, de Gil J Wolman.
LA CITADELLE, de Bull-D. Brau.
LA BELLE JEUNESSE, mis en scène par Guy-Ernest Debord, assisté Gaëtan Langlais.

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Dimensions du langage

LE RÉCIT se poursuit dans tous les sens. Après les premières ébauches de l’écriture métagraphique, une expression illimitée s’offre à nous, très au delà de l’explosion verbale que James Joyce a menée à bien.

Écrit avec des photos et des fragments de journaux collés sur des bouteilles de rhum, le roman tridimensionnel de G.-E. Debord, HISTOIRE DES GESTES, laisse au gré du lecteur la suite des idées, le fil perdu d’un labyrinthe d’anecdotes simultanées.

Les « NOUVELLES SPATIALES » de Bull-D. Brau trouvent la composante des vecteurs de la dynamique conceptuelle. Les lettres cinématiques préfigurent le caractère ontologique de la réversibilité du concept, « il s’agit de discerner les lettres qualitatives qui sont le corps même du concept, au delà de leur ordre accidentel d’assemblage » (Brau).

Gaëtan M. Langlais mettant en présence les différents paragraphes de JOLIE COUSETTE avance vers celui de nos résultats sans doute le plus décisif pour l’avenir de la communication : le détournement des phrases.

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Acte additionnel à la constitution d’une Internationale lettriste

Au début de juin, le « Cercle international de recherches esthétiques Paul-Valéry » avait organisé au dancing Bagatelle une séance contradictoire au cours de laquelle Isou devait présenter sa défense. L’Internationale lettriste refusa d’engager le débat et fit lire la déclaration suivante, cependant qu’un piquet d’intervention interdisait l’entrée de la salle à l’Hervé Bazin de l’avant-garde.

NOUS REFUSONS la discussion qui nous est proposée maintenant. Les rapports humains doivent avoir la passion pour fondement, sinon la Terreur.

En se plaçant délibérément sur le terrain de la basse police, Isidore Isou a rendu tout dialogue impossible.

Nous avons reconnu la valeur de sa critique des arts, mais en suspectant ses mobiles mystico-giratoires.

Les problèmes dépassés que tente de remuer ce sous-Kafka des urinoirs ne nous détourneront pas de notre but : un bouleversement définitif de l’Esthétique et, au-delà de l’Esthétique, de tout comportement.

Pour l’Internationale lettriste :
BULL-DBRAU, GUY-ERNEST DEBORD, GAËTAN M. LANGLAIS, GIL J WOLMAN

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LES CHINOISES pour Gaëtan.

GAËTAN M. LANGLAIS

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Vagabondage spécial

ÉCŒURANTS ET FORNICATOIRES comme un couple d’inspecteurs en civil, Dédé Breton et le « Soulèvement de la Jeunesse » continuent un flirt assez poussé. Cela avait commencé par un article d’un certain François Du… dans le bulletin d’informations surréalistes ; cela doit continuer par la collaboration de Dédé-les-Amourettes au « Soulèvement ».

Quand Beylot remplace Nadja, le voilà l’amour fou… En 1927, les surréalistes demandaient la liberté de Sacco et Vanzetti ; en 1953 ils se commettent avec une publication qui tire ses subsides des Renseignements Généraux et de l’Ambassade américaine.

Les Lettristes écrivaient déjà en 1947 : « … d’ailleurs Breton n’a jamais prétendu être un bon stratège : il s’est offert, lui et sa génération, à toutes les croyances, à tous les espoirs, à toutes les boutiques. On n’a pas su le prendre et il est resté. »

Mais les faits et gestes du vieux beau sur le retour ne nous intéressent plus. Il n’est pas question de mettre en cause le Surréalisme de l’âge d’or. Il faut seulement séparer certaines valeurs déjà historiques de l’activité sénile du partisan chauve du mac-carthysme, de l’actionnaire de l’assassinat des Rosenberg.

INTERNATIONALE LETTRISTE

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Principes d’un théâtre nouveau

NOTRE CAMARADE Hadj Mohamed Dahou, dont on n’a pas oublié la courageuse intervention à propos des massacres de Sétif, achève actuellement dans le sud-algérien sa pièce LA MITE QUI NE S’ATTAQUE QU’À LA LAINE DES ORPHELINS, bouleversement total de la représentation théâtrale, où la phrase est considérée comme unité scénique.

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Tout article publié engage la responsabilité de l’ensemble des collaborateurs de ce numéro.

Internationale Lettriste n° 3.
Août 1953.
50 francs.
Directeur-Gérant : B.-DBRAU.
Rédacteur en chef : G.-EDEBORD.
1, rue Racine — Paris (VIe).
Dépôt légal 3e trim. 1953.
Imp. Spéciale de l’Internationale lettriste.

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Internationale lettriste
Numéro 4
[Paris], juin 1954

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La guerre de la liberté doit être faite avec colère

Pour l’Internationale lettriste :
HENRY DE BÉARN, ANDRÉ-FRANK CONORD, MOHAMED DAHOU, GUY-ERNEST DEBORD,
JACQUES FILLON, GILLES IVAIN, PATRICK STRARAM, GIL J WOLMAN

 

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CORRESPONDANCEMÉTAGRAPHIESREVUESFILMOGRAPHIEÉPIGRAPHIECONFÉRENCES INDUSTRIELLESPLANS PSYCHOGÉOGRAPHIQUES DE PARISCHANSONSKRIEGSPIELMISCELLANÉESRÉPONSES AUX POLICES


25 décembre 2000

BIBLIOGRAPHIE 1952-19571957-19721972-1994