DEBORDIANA

Ratés
Serge Berna, Maurice-Paul Comte, Jacques Patry [Michel Mourre], Madeleine Auerbach
[Paris, mars 1950]

Contributions à l’histoire de l’Internationale situationniste et son temps. Volume I
Jean-Michel Mension,
La Tribu. Éditions Allia, Paris, mai 1998

 

 

RATÉS……

On nous présente comme des MINUS, et nous le sommes.

Nous ne sommes rien, mais alors là, RIEN du TOUT,

et nous entendons ne servir à RIEN.

Les « honnêtes gens » nous rabâchent : « TRAVAILLEZ ! MAIS ARRIVEZ DONC !! »

ARRIVER OÙ ? ARRIVER À QUOI ? ET DANS QUEL ÉTAT ?

Notre devise : POUR ARRIVER, SURTOUT NE PAS PARTIR.

INCAPABLES

INUTILES

OISIFS

VA-NU-PIEDS de COMPTOIRS !

Venez vous reconnaître et vous affirmer

au

GRAND MEETING DES RATÉS

qui se tiendra en l’hôtel des Sociétés Savantes

[8], rue Serpente, Paris (Ve)

le [15] mars 1950 à 20 h 15

* * *

Disserteront : « Des mérites de l’Impuissance »

SERGE BERNA : syphilitique de gauche

MAURICE-PAUL COMTE : individu

JACQUES PATRY : ancien Dominicain

* * *

Buffet gratuit

ainsi que

MADELEINE AUERBACH

 

La tenue de soirée est de vigueur !


Adresse de Notre-Dame
[Rédigé par Serge Berna & Michel Mourre — Paris, 9 avril 1950]

Marcel Mariën, Le Chemin de la croix (Les Lèvres Nues n° 4, Bruxelles, janvier 1955)

 

 

Aujourd’hui, jour de Pâques en l’Année sainte,
Ici, dans l’insigne Basilique de Notre-Dame de Paris,
J’accuse
l’Église Catholique Universelle du détournement mortel de nos forces vives en faveur d’un ciel vide ;
J’accuse
l’Église Catholique d’escroquerie ;
J’accuse
l’Église Catholique d’infecter le monde de sa morale mortuaire,
d’être le chancre de l’Occident décomposé.

En vérité je vous le dis : Dieu est mort.
Nous vomissons la fadeur agonisante de vos prières,
car vos prières ont grassement fumé les champs de bataille de notre Europe.

Allez dans le désert tragique et exaltant d’une terre où Dieu est mort
et brassez à nouveau cette terre de vos mains nues,
de vos mains d’orgueil,
de vos mains sans prière.

Aujourd’hui, jour de Pâques en l’Année sainte,
Ici, dans l’insigne Basilique de Notre-Dame de France,
nous clamons la mort du Christ-Dieu pour qu’enfin vive l’Homme.


« Achever l’art, aller dire en pleine cathédrale que Dieu était mort, entreprendre de faire sauter la tour Eiffel, tels furent les petits scandales auxquels se livrèrent sporadiquement ceux dont la manière de vivre fut en permanence un si grand scandale. » — GUY DEBORD, In girum imus nocte et consumimur igni.


14 octobre 2000

FRANÇAIS (1952-1957) (1957-1972) (1972-1994)